31 décembre 1959
Ce qui me rapproche de lui :
“Pour la première fois avec Suicaine gratifaction, j’ai écrit des
chansons sans me demander comment je les jouerais live. Je pense avoir franchi
un grand pas, être enfin devenu un artiste : quelqu’un capable d’enfreindre les
codes d’une musique, d’en changer les habitudes en l’amenant sur d’autres
routes, plus personnelles. Longtemps je n’ai été qu’un performer, d’ailleurs le
mot “artiste” était banni dans le vocabulaire des Replacements nous ne
connaissions que quatre mots : groupe, guitariste, leader, chanteur. Le
performer s’en tient à jouer la musique, il ne l’explore pas, il ne la
travaille pas, oublie qu’elle est une matière. Le performer préfère rester dans
la représentation plutôt que de puiser dans sa richesse personnelle.
Aujourd’hui, je conçois mes chansons comme des plongeons intérieurs qui font
remonter à la surface des choses très intimes, des tourments, des états d’âme,
des joies : ma vie. Je sais maintenant quelle est la différence entre la poésie
et faire poétique, je ne peux plus revenir en arrière. Plus je deviens un
artiste et moins j’ai le droit de faire le singe sur scène.”
“J’aurais aimé que cet album soit encore plus crépusculaire encore,
qu’il retranscrive dans l’instrumentation l’univers qu’il porte dans sons
titre. Suicaine
gratifaction ne veut littéralement rien dire, mais la contraction de toutes
ces syllabes donne un sens global caché, une idée de substance noire, dense.
Elle suggère bien l’idée cumulée de suicide, de douleur personnelle,
d’autopunition ; ce genre de souffrances qui peuvent paraître gratifiantes pour
soi-même, donnent l’impression que l’on ressent quelque chose, que l’on est
vivant, que l’on existe.”
Paul Westerberg vu par
Marc Besse
En fait, fondamentalement, rien n’a changé chez Paul Westerberg.
Zigouilleur de mythes et de valeurs conservatrices il y a vingt ans, dans des
Replacements qui se sont dissous dans l’autodestruction , il n’a toujours
pas abdiqué. Il mène aujourd’hui la lutte plus ironiquement, en cultivant sa
capacité à s’indigner, en s’obstinant à camper sur ses terres décalées non
loin d’Iggy Pop, Lou Reed, Neil Young ou le fragile Elliott Smith, ces beautiful
losers dont il rejoindra vite les hauteurs et en balançant son regard
acide et dessalé sur le monde et son cortège de défaites. A ce rythme, sa
musique n’aura bientôt plus besoin d’électricité.